Dans quelques semaines il sera peut-être élu meilleur entraîneur du championnat National de football. Une récompense qu’il a déjà obtenue lorsqu’il dirigeait l’équipe de Saint-Brieuc. Maxime d’Ornano, le coach du FC Rouen (actuel 5e du National, quart de finaliste de la Coupe de France 2023-2024, a offert une belle leçon de management à des étudiants en 3e année du Bachelor Chargé de Gestion Commerciale (CGC) de l’IES Business School de Rouen.
L’entraîneur du FCR a répondu à l’invitation de l’un des enseignants vacataires de l’IES, Philippe Corrot, quelques jours avant le déplacement victorieux des Diables Rouges à Avranches (2-1).
Pendant une heure, Maxime d’Ornano a séduit son auditoire de futurs managers en entreprises par l’humilité et la puissance de ses propos. Expert en optimisation commerciale après une vingtaine d’années en tant que manager chez Nike, Philippe Corrot savait que Maxime d’Ornano saurait établir des passerelles entre l’univers du football professionnel et le monde de l’entreprise.
Assez talentueux lorsqu’il était gamin pour être retenu par l’institut National du Football (INF) à Clairefontaine puis par le centre de formation du Mans, il n’aura malheureusement pas l’opportunité de passer professionnel.
A 19 ans, il entraîne des gars de 40 ans
A 19 ans, il pose son sac de footballeur en Bretagne où se sont installés ses parents. S’il va continuer à jouer au football dans l’antichambre du monde professionnel en CFA, CFA 2 et DH (Le Mans, Lannion, Saint-Brieuc, Avranches), il se lance dans le “métier” d’entraîneur en coachant une équipe de 1re division de district, Plessala. Maxime d’Ornano a alors 19 ans. Avec pour seule expérience, le coaching de gamins de 13 ans.
” Ce n’est pas trop compliqué de diriger des personnes plus âgées que soi ? “, l’interroge un étudiant de l’IES. ” La plupart des gars que j’entraînais venaient me voir jouer. Ils connaissaient mon niveau de footballeur, donc la différence d’âge n’a jamais été un réel problème. Ils me respectaient. J’entraînais des gars de 30, 40 ans qui venaient faire du foot après le travail “, répond du tac au tac Maxime d’Ornano.
En 2017, il devient entraîneur adjoint de Saint-Brieuc (N2). Propulsé entraîneur n°1 la saison suivante, il installe Saint-Brieuc dans le haut du classement de N2 (4e) avant de décrocher la montée en National la saison suivante. Son aventure avec Saint-Brieuc s’achève au printemps 2021. Et c’est en décembre 2021 qu’il débarque à Rouen (N2). La suite est brillante : une montée en National et un parcours exceptionnel en Coupe de France cette saison avec les éliminations à Diochon de deux clubs de Ligue 1 : Toulouse et Monaco.
Mais un club de football ressemble souvent à une entreprise normale. Avec ses hauts et ses bas. Depuis l’automne 2023, Maxime d’Ornano doit s’accommoder des difficultés financières traversées par le FCR. Des problèmes de trésorerie qui ont un impact sur le sportif : salaires payés en retard, des attaquants (Ibayi, Ghedjemis) transférés au mercato hivernal, interdiction de recrutement…
” Nous avions très bien démarré le championnat. Les objectifs ont changé avec les difficultés rencontrées par le club, analyse calmement Maxime d’Ornano. Mon travail consiste à maintenir les joueurs concernés.”
Au quotidien, Maxime d’Ornano manage un groupe de 24 joueurs. ” Sur quels critères retenez-vous les joueurs qui vont jouer en compétition”, questionne un étudiant ? ” Quand on prépare un match qui a lieu le vendredi soir, on travaille pendant une semaine avec le staff : un adjoint, deux préparateurs physiques, un analyste vidéo et un analyste datas. Nous sommes généralement sur un rythme de cinq entraînements par semaine. Je fais beaucoup d’entretiens individuels pour savoir comment se sentent les garçons. Et ces entretiens ne se passent pas forcément dans mon bureau. Ce sont des petits échanges au bord du terrain, dans un couloir.” Des techniques de management de proximité pour être en permanence à l’écoute de son groupe. “J’accorde beaucoup d’importance à l’humain. Quand j’arrive dans un club, je fais passer un entretien individuel d’environ une heure à chaque joueur afin de tout savoir sur lui.”
Fixer des objectifs ambitieux à ses troupes
A Saint-Brieuc hier, à Rouen aujourd’hui, Maxime d’Ornano a toujours regardé vers le haut. ” En début de saison, les journalistes ne parlaient que des six descentes en fin de saison en National. Et chacun y allait de son pronostic pour désigner les six clubs qui descendraient. Quand vous êtes l’entraîneur du promu, vous avez le profil de celui qui va descendre. Pendant la préparation estivale, j’ai préféré parler aux joueurs des deux montées en Ligue 2. Idem pour la Coupe de France. Quand nous sommes entrés en lice, j’ai affiché dans le vestiaire la date du 25 mai 2024, jour de la finale. Il ne faut pas se mettre de limites”.
Manager c’est décider et choisir
Depuis ses débuts d’entraîneur à 19 ans à Plessala, Maxime d’Ornano a mûri. Ses méthodes de management ont évolué. ” J’ai un groupe de 24 joueurs et j’en retiens 16 pour le match de la semaine. J’annonce l’équipe sur notre groupe WhatsApp le jeudi soir et la règle est simple : je ne prends aucun joueur au téléphone ou en entretien individuel dans la foulée. Si un joueur qui ne fait pas partie du groupe veut avoir des explications, il peut venir me voir à partir du lundi suivant.”
” La seule vérité c’est qu’il faut gagner”
Comme un cadre supérieur dans une entreprise “normale”, Maxime d’Ornano sait que son métier est précaire. ” On gagne grâce aux joueurs et on perd à cause du coach, sourit Maxime d’Ornano. ” C’est un métier compliqué car on a tout le temps la pression. A Rouen plus qu’ailleurs car ici il y a des supporters. Mais cela reste du foot ! Je suis très exigeant d’abord avec moi-même et ensuite avec les joueurs. La seule vérité dans le foot, c’est qu’il faut gagner”.
Maxime d’Ornano ne sait pas à quelle place finira le FC Rouen en fin de saison. Il ne sait pas quel visage aura le FC Rouen la saison prochaine. ” Les ventes de joueurs, cela fait partie du business modèle du sport professionnel. Un entraîneur sait que chaque saison, il y aura des départs et des arrivées.” Lors de sa rencontre avec les étudiants de l’IES, il ne s’est pas attardé sur son cas personnel. “Je n’ai pas d’agent car je tiens à ma liberté. Je mesure chaque jour la chance d’avoir un contrat car il y a beaucoup d’entraîneurs qui n’ont pas de club.”
Son futur proche, il espère qu’il le passera en partie sur les bancs de “l’école”. ” Il est capital de se former, de posséder des notions”, glisse Maxime d’Ornano qui postule à une place dans la future promotion des techniciens qui suivront la formation du BEPF, le diplôme délivré par la Fédération Française de Football (FFF) qui permet d’entraîner une équipe de Ligue 1 et de Ligue 2.
Pour faire partir de cette cuvée 2024-2025, Maxime d’Ornano donnera le maximum lors des tests de sélection mais il ne trahira pas ses valeurs. ” Vous avez reçu une éducation, vous avez chacun une histoire personnelle, lance-t-il aux étudiants de l’IES. Si j’ai un seul conseil à vous donner, c’est que dans la vie, il ne faut pas sur-jouer, il ne faut pas tenir un rôle. C’est important de rester soi-même”.
- Prochain match du FC Rouen au stade Diochon : le samedi 6 avril 2024 à 18 heures, face à Châteauroux.